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À l’heure où de nouvelles annonces viennent marquer un retour à une situation presque normale d’ici quelques jours, je tenais à revenir une dernière fois sur ce syndrome de la cabane qui empêche toujours certaines personnes de jouir de cette liberté retrouvée. J’ai beaucoup parlé dans cette série d’articles de nos cognitions et de la manière dont la peur pouvait nous amener à nous tromper dans notre évaluation des situations. Et ce avec l’espoir que changer de perspective, non pas de supprimer notre peur, mais de nous donner le courage de l’affronter
Surmonter ses émotions en les accueillant
Mais il est une autre manière d’aborder la situation en s’intéressant directement aux émotions et à ce qu’elles veulent nous dire. Comme je l’abordais en première partie, la peur a vocation à nous protéger et à sauver notre vie. Elle est donc une émotion salutaire, quand bien même on aurait parfois tendance à la classer comme une émotion négative. Mais on peut aller encore plus loin dans notre compréhension de l’émotion que en identifiant au delà desa fonction (nous protéger), son sens. Surmonter la peur de sortir ne signifiera dès lors plus sortir sans peur ni même sortir malgré sa peur mais plutôt AVEC sa peur.
La différence peut sembler subtile, mais elle est en réalité primordiale. Malgré voudrait dire qu’on la traîne avec soi comme un boulet, mais qu’on préférerait qu’elle ne soit pas là. Malgré voudrait dire qu’on voit cette peur comme quelque chose d’extérieur à nous, un simple empêcheur de tourner en rond. Une donnée qu’on doit prendre en compte dans l’équation, mais qui n’a rien à nous dire.

En revanche, faire AVEC sa peur veut dire qu’on est pleinement conscient de ce qui fait qu’elle est là, qu’on l’a intégré à ce que l’on est et que c’est même elle qui va rendre notre action si puissante. Elle sera le marqueur de notre courage, mais aussi celui de notre amour de la vie. Car derrière toute crainte pour notre santé, il y a en creux la peur de la mort, et en négatif, au sens photographique du terme, notre amour de la vie.
L’amour de la vie derrière la peur de la mort
Agir avec sa peur, c’est donner du sens à son action, c’est écouter sa raison (qui nous dit, on l’a vu, que le danger n’est pas si grand qu’on l’imagine), mais également son émotion. La seule réponse qui vaille à la peur de la mort n’est pas de moins vivre encore pour tenter de l’éviter (spoiler alert : ça ne marche pas très bien), mais de vivre davantage pour que la vie ait valu le coup.
Et il en va ainsi de toutes ces émotions difficiles avec lesquelles on a souvent du mal à composer et dont on pourrait penser qu’elles nous gâchent la vie. Il y a derrière la tristesse le signe de l’amour pour ce qui a été perdu. Il y a derrière la colère et son incitation à détruire le souhait de voir une valeur défendue, un monde exister. Au sein du « non » il y a toujours un oui. Et comme tout a déjà été écrit, mais pas par moi, je conclurai cette série en laissant la parole à quelqu’un qui a déjà tout dit mieux que je ne saurai le faire, Albert Camus qui évoque non pas le sentiment de peur, mais la révolte :
Qu’est-ce qu’un homme révolté ? C’est d’abord un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui dès son premier mouvement..
(…) Que signifie ce non ?
(…) Il signifie par exemple : « les choses ont assez duré », « il y a des limites qu’on ne peut pas dépasser », « jusque-là oui, au-delà non », ou encore « vous allez trop loin ». En somme, ce non affirme l’existence d’une frontière.
(…) Il affirme qu’il y a en (soi) quelque chose qui « vaut la peine de », qui demande qu’on y prenne garde
Albert Camus, L’homme révolté, 1951
Derrière la peur de sortir, il y a un amour de la vie, et c’est cet amour de la vie qui doit vous pousser à la surmonter pour aller trouver au-dehors ce qui y a donné et y donnera encore un sens.
