Comprendre le Haut-Potentiel

Qu’est-ce que le Haut-Potentiel ?

Lorsque l’on parle de Haut-Potentiel, on parle généralement de Haut-Potentiel Intellectuel. Le Haut-Potentiel Intellectuel désigne, chez un individu une intelligence, significativement très supérieure à la moyenne des gens de son âge.

Que veut dire une intelligence « significativement très supérieure à la moyenne » ?

Nous autres les psychologues avons de bonnes raisons de penser que l’intelligence désigne quelque chose de spécifique, de stable et de mesurable, et que cette chose est bien mesurée par des tests. Le plus connu pour la mesurer est le test de QI, aussi appelé WAIS IV. On parle d’intelligence très supérieure à la moyenne lorsque le score atteint à ces tests est deux écarts-types au dessus de la moyenne, c’est à dire éloigné d’au moins deux fois le score moyen d’écart à la moyenne. En l’occurence, pour la WAIS IV, la moyenne est placée à 100, et l’écart type est de 15. Cela signifie que les scores des gens qui s’écartent de 100 vers le haut ou vers le bas s’en écarte en moyenne de 15 points. Une personne est donc dite « Haut-Potentiel Intellectuelle » si elle obtient un score d’au moins 130 aux échelles de Wechsler. De tels scores ne sont atteints que par 2,5% de la population. En France par exemple, cela représente donc 1 675 000 personnes Haut-Potentiel Intellectuel.

Qu’est-ce que cela implique d’être Haut-Potentiel Intellectuel ?

Être HPI signifie avoir une intelligence supérieure et donc avoir des habiletés particulières dans les apprentissages et l’exécution de tâches complexes. Les personnes HPI pensent, apprennent et réfléchissent plus vite que la moyenne des gens. Ils ont généralement une meilleure maîtrise du langage et des abstractions visuelles et de meilleures capacité de raisonnement. Il s’agit pour toutes ces dimensions de différences quantitatives et non qualitatives. Les études tendent à montrer que les individus HPI réussissent mieux dans le domaine scolaire, universitaire, dans les métiers où les tâches complexes sont majoritaires. Ils ont également des rémunération supérieures en moyenne, ainsi qu’une espérance de vie supérieure. Cela constitue une moyenne, mais cela ne veut pas dire qu’un individu Haut-Potentiel ne peut pas souffrir, ou être en échec scolaire, universitaire, professionnel ou économique. En effet, partager une caractéristique avec très peu de monde peut générer un sentiment de décalage important avec ses semblables voire un isolement. De même, s’écarter fortement de la moyenne, quelque soit le domaine veut dire que le monde autour de soi ne sera pas vraiment fait pour nous. Par exemple, si je fais 2 mètres, ce qui est largement plus grand qui est la moyenne, je peux avoir du mal à trouver un lit ou des vêtements à ma taille, je risque de subir des réflexions de la part des gens moins grands ou de me trouver dans des situations que peu comprennent ou expérimentent. Il en va de même pour l’intelligence. Elle s’accompagne de grands avantages, mais aussi de difficultés spécifiques.

Quelle différence y a-t-il entre une approche qualitative et quantitative du Haut-Potentiel Intellectuel ?

Une approche quantitative du haut-potentiel signifie que tout ce que font les individus Haut-Potentiel, les individus non haut potentiel le font également. Les individus HPI le font simplement mieux, plus vite, ou de manière plus efficace. La différence entre un individu HPI et non HPI est uniquement de degré et non de nature. L’intelligence est plus importante, mais elle n’est pas d’une autre nature.

Une approche quantitative du HPI signifierait que les individus HPI seraient fondamentalement différents des non HPI. Ils penseraient, vivraient et ressentiraient les choses d’une manière fondamentalement différente. On parle ainsi de pensée en arborescence par rapport à une pensée linéaire, on parle d’hyperesthésie par apport à une vie sensorielle normale, on parle d’hyper-empathie, d’hypersensibilité, d’une intolérance à l’injustice, d’un rapport au monde totalement singulier mais caractéristique. Dans cette approche, les individus HPI formeraient une classe à part dans la population, tous plus similaires entre eux que du reste du monde. Avec cette intelligence supérieure viendraient des caractéristiques relationnelles, émotionnelles, et sensorielles singulières. C’est la vision du Haut Potentiel la plus répandue dans le grand public aujourd’hui, mais elle se heurte malheureusement à certaines limites.

En effet, les étude scientifique nous indiquent aujourd’hui qu’il n’y a pas de raison de penser que l’intelligence s’accompagne d’une personnalité distincte. Certains éléments attribués aux personnes Haut-Potentiel existent bel et bien, comme l’hypersensibilité (même si derrière ce mot se cache en fait des réalités multiples) mais elles ne sont pas l’apanage des individus Haut-Potentiel, et on peut la retrouver également chez des individus avec des intelligences tout à fait normales. De même, on trouve des individus extrêmement intelligents, à la sensibilité tout à fait dans la norme. Elle n’est donc pas un critère d’identification pertinent. Le seul trait de personnalité corrélé positivement à l’intelligence est l’ouverture aux expérience : plus on est intelligent, plus on a de chance d’être curieux, ouvert et avide de nouvelles expériences. Mais encore une fois, ce n’est pas une règle infaillible et on peut tout à fait avoir l’intelligence sans l’ouverture et l’ouverture sans une intelligence particulièrement performante.

D’autres éléments qu’on attribue aux individus HPI en revanche, comme la pensée en arborescence n’ont tout simplement pas de fondement scientifiques : rien ne nous permet de d’affirmer que l’intelligence s’accompagne d’une manière de penser qualitativement différente, quand bien même la vitesse de pensée et la richesse des associations peut amener à penser le contraire : cela va juste plus vite et plus loin, mais pas autrement que l’intelligence dite « normale ».

Peut-on être qualifié de Haut-Potentiel avec un QI inférieur à 130 ?

C’est une question compliquée, et en même temps très simple. Tout dépend de ce qu’on entend par Haut-Potentiel Intellectuel. Si on définit comme HPI les individus au QI supérieur 130, la réponse semble simple : non, puisque c’est le critère de désignation.

Si on élargit les critères d’inclusion à d’autres attributs que l’intelligence, alors tout est possible. Mais nous devons alors nous poser plusieurs questions importantes :

  • Avons-nous de bonnes raisons de choisir ces critères et de réunir les individus qui en seraient porteurs sous cette dénomination ?
  • Existe-t-il une ou plusieurs autres dénominations possibles qui serait plus précises, plus pertinentes ou moins connotée que Haut Potentiel pour désigner les individus qui seraient porteurs de ces caractéristiques ?
  • Sur quoi nous basons nous pour choisir ces critères, et comment les mesurons nous ?

Je vais donner un exemple : on prête souvent aux individus Haut-Potentiel la tendance à percevoir les émotions des autres, ainsi qu’à se sentir en décalage avec leurs semblables. Ce sont effectivement des choses que l’on peut retrouver chez des individus HPI. Mais ce n’est pas toujours le cas, et on peut tout à fait les retrouver chez des individus à l’intelligence dans la norme. Dès lors, est-il pertinent d’intégrer ces deux caractéristiques aux critères d’identification sachant que :

  • Une empathie forte se mesure très bien au travers d’un questionnaire de personnalité et est une dimension bien désignée par la facette « Ouverture aux émotions » et « Sensibilité » du Big Five ?
  • Le sentiment de décalage peut aussi bien provenir de l’intelligence que tout autre écart à la norme dans le domaine affectif ou interpersonnel et peut également être un signe de trouble du spectre autistique, ou le résultat d’un traumatisme vécu dans l’enfance ?

L’avantage d’utiliser le QI comme marqueur de l’intelligence, et l’intelligence comme critère d’identification du Haut-Potentiel est que sa mesure est assez fiable et les méthodologies qui ont données naissances aux tests rodées depuis des dizaines d’année. Les résultats sont généralement fiables, et ont un pouvoir prédictif important.

Et le Haut-Potentiel Emotionnel alors ?

Le Haut-Potentiel Emotionnel est simplement un calque du concept de Haut-Potentiel Intellectuel appliqué à la vie émotionnelle. Sauf que là où le HPI est bien défini et dispose d’un outil de mesure fiable et pertinent sous la forme des tests de QI, le HPE est aussi mal défini qu’il est difficile à mesurer. Le terme HPE est spécifiquement l’un des termes employés pour définir une personne ayant une vie émotionnelle marquée par des décalages avec ses pairs, mais dont l’intelligence ne s’écarte pas de la norme d’une façon suffisante pour permettre l’emploi du terme HPI.

Or, la dimension émotionnelle chez un individus notamment son émotivité, son empathie et l’intensité de ses ressentis émotionnelles sont bien mesurées et dénommées autrement dans l’évaluation de la personnalité.

La notion de compétence émotionnelle utilisée par Moïra Mikilajczak permet également un apport intéressant et plus subtile de la dimension émotionnelle chez un individu. Je n’utilise donc pas le terme de HPE à titre personnel à cause des connotations qu’il porte et de son manque de solidité conceptuelle et d’appui scientifique.

Y a-t-il dès lors des spécificités à l’accompagnement des adultes Haut-Potentiel ?

Bien sûr il en existe et certaines ont été évoquées dans cette page, le sentiment de décalage, les difficultés d’adaptation, une curiosité parfois insatiable, et d’autres encore. Celles-ci doivent s’appréhender à la lumière de la spécificité de chaque individu car nul n’est réductible à l’une de ses caractéristiques et il n’y a pas de suivi type. Le Haut-potentiel est une spécificité qui s’accompagne avec discernement et sur-mesure pour voir comment se déploie dans la vie spécifique de la personne qui souhaite être accompagné. Tout le monde n’a pas les mêmes problèmes, la même demande, les mêmes attentes, et la même personnalité et c’est ensemble que nous construirons un suivi qui vous ressemble, avec intelligence, et pour mettre celle-ci au service de vos aspirations.

Que faire si je veux en apprendre plus sur le Haut-Potentiel ?

Je vous invite à lire l’un de ces deux ouvrages :

  • Psychologie du Haut-potentiel : comprendre, identifier, accompagner, auteurs multiples, dirigé par Nathalie Clobert et Nicolas Gauvrit, chez De Boeck.
  • Le Haut-Potentiel en questions, de Catherine Cuche et Sophie Brasseur, chez Mardaga

Je considère ces deux ouvrages comme les plus sérieux sur le sujet et je vous déconseille de vous tourner vers d’autres qui peuvent avoir plus de succès mais développent une vision romantique, fautive et bourrée de neuromythes sur la question du haut potentiel intellectuel.

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